Les Sumériens vivaient au IIIème millénaire av. n. è. dans la région de l'actuel Irak. C'était un peuple très avancé pour l'époque. Selon toute vraisemblance, ce sont eux qui ont inventé l'écriture, plusieurs siècles avant les Égyptiens.

Les Sumériens sont à l'origine de la civilisation babylonienne. Les babyloniens ont donc continué, après leur disparition, de transmettre leurs récits et leur vision du monde. Ainsi, de nombreuses idées sumériennes se seraient transmises à la Bible par l'intermédiaire des Babyloniens. En voici ici quelques exemples.

L'Univers et son origine

Le monde selon les sumériens

Les Sumériens se représentaient le monde comme une demi-sphère, dont la base était constituée par la terre, et la voûte par le ciel. La terre leur apparaissait comme un disque plat entouré par la mer, et le ciel comme une sorte de dôme sur lequel les étoiles étaient incrustées. Ils pensaient que de toutes parts du monde s'étendait à l'infini un Océan cosmique (l'Abzu), au sein duquel se maintenait immobile le globe de l'univers.

Les Sumériens pensaient que le soleil se levait au pays de Dilmun, qu'ils décrivaient comme leur paradis. Ils comprenaient toutefois qu'entre le ciel et la terre se trouvait quelque chose qui s'apparente à notre définition de l'atmosphère, qu'ils nommaient lil (air, souffle, esprit). Selon eux, le soleil, la lune, les planètes et les étoiles, bien que lumineux, étaient faits de cette matière.

Le monde des morts (Kur) était représenté comme une demi-sphère, qu'ils situaient sous la Terre. Ainsi, le monde entier (des vivants et des morts) était constitué d'une sphère complète.

Sur la question de l'origine de l'Univers, les Sumériens avaient défini les étapes suivantes:

1. L'univers a un commencement.
2. Le premier élément est l'océan primordial infini (représenté par la déesse Nammu). Cet élément n'a ni commencement ni fin.
3. Cette déesse sépare alors les eaux de cet océan primordial, et engendre le ciel (représenté par le dieu An) et la terre (représentée par la déesse Ki).
4. Tous les autres dieux sont ensuite engendrés par le couple An-Ki.
5. Le dieu de l'air Enlil, premier né du couple, décide ensuite de séparer le ciel de la terre. Le dieu An, son père, monte en emportant le ciel avec lui. Sa mère la terre reste au centre de l'univers, et fini par s'unir avec son fils.
6. De l'union de l'air et de la terre naît l'univers organisé : les hommes, les animaux, les plantes, et la civilisation.

Selon les Sumériens, les dieux ressemblaient aux hommes, mais étaient bien plus puissants, et immortels. Pour expliquer comment leurs dieux créaient toutes choses, les Sumériens avaient élaboré une théorie, qui s'est ensuite répandue dans tout le Proche-Orient ancien : celle du pouvoir créateur de la parole divine. Selon eux, il suffisait au dieu créateur d'établir un plan, d'émettre une parole et de prononcer un nom, et la chose prévue et désignée venait à l'existence. Dans les récits sumériens, absolument tout est créé par les dieux de cette façon.

Il est intéressant de noter que le dieu de l'air Enlil sera considéré vers le milieu du IIIème siècle av. n. è. comme l'ancêtre de tous les dieux, détrônant ainsi la déesse Nammu. Plus tard, son frère Enki (aussi nommé Ea) deviendra le dieu El de la religion ougaritique. Cela donnera, bien plus tard, le "seul vrai dieu" El/Elohim de la Bible.


Si l'on compare le mythe de création sumérien avec celui de la Bible, on retrouve de nombreuses similitudes:

- Il y a un commencement. - Genèse 1:1
- Le premier acte est la création du ciel et de la terre. - Genèse 1:1
- Les eaux sont incréées et préexistent à la création du ciel et de la terre. - Genèse 1:2
- Dieu utilise sa parole pour créer toutes choses. - Genèse 1:3
- Dieu sépare les eaux d'en bas des eaux d'en haut, créant ainsi le ciel. - Genèse 1:6-8
- Dieu crée la terre en repoussant les eaux. - Genèse 1:9-10
- C'est la terre qui créé la végétation, pas Dieu directement. - Genèse 1:11-12
- Dieu crée les luminaires, et les place sur la voûte céleste. - Genèse 1:14-18
- C'est la terre qui crée les animaux terrestres, pas Dieu directement. - Genèse 1:24
- Dieu et les hommes se ressemblent. - Genèse 1:27
- La vie vient d'un souffle associé à de l'argile (union de l'air et de la terre). - Genèse 2:7

On retrouve aussi une partie de la vision sumérienne dans d'autres parties de la Bible.

- Les eaux primordiales étaient retenues au ciel avant le déluge. - Genèse 7:11
- Les dieux habitent ces eaux primordiales qui se trouvent au-dessus de la terre. - Job 26:5
- La terre a des fondations. - Job 9:6 ; Job 38:4, 6
- Le séjour des morts est visible par Dieu. - Job 26:6
- La terre est maintenue suspendue sur le néant. - Job 26:7
- La mer est contrainte par Dieu à rester à sa place fixée. - Job 38:8-11
- L'aurore a une place fixée. - Job 38:12
- La terre a des extrémités. - Job 38:13 ; Esaïe 40:28 ; Esaïe 41:5
- Le pays des morts est accessible par une porte. - Job 38:17
- La lumière et les ténèbres sont séparés par une limite. - Job 26:10
- Ils ont chacun un séjour bien défini. - Job 38:19, 20
- Les cieux sont comme une tente étendue au-dessus de la terre. - Job 9:8 ; Esaïe 40:21, 22 ; Esaïe 42:5
- Comme une tente, ils peuvent être déchirés. - Esaïe 64:1
- Le ciel est soutenu par des colonnes. - Job 26:11
- Les étoiles ont toutes été créées par Dieu, et leur nombre est fixé. - Job 9:9 ; Esaïe 40:26

Le paradis perdu

Pour les Sumériens, le paradis existait. Il se nommait Dilmun, et était décrit comme un pays pur, où ne régnaient ni la maladie ni la mort. D'après les descriptions sumériennes, on situe ce paradis dans la région où se séparent le Tigre et l'Euphrate.

Ce jardin luxuriant était arrosé par une sorte de brume venant de la terre. Les femmes pouvaient y accoucher sans douleur, les lions ne tuaient pas, et les loups ne mangeaient pas les agneaux. On y trouvait uniquement paix, santé, et vie.

Dans le poème sumérien Enki et Ninhursag, c'est dans ce cadre magnifique que la grande déesse-mère des Sumériens Ninhursag (= Ki, terre) décide de faire pousser huit plantes merveilleuses. Le dieu Enki (eau), curieux de connaître le goût des fruits, décide alors de manger un fruit de chaque plante. Cet acte met la déesse Ninhursag très en colère, à tel point qu'elle maudit le malheureux Enki et le voue à la mort. La santé d'Enki commence alors à décliner, huit parties de son corps étant atteintes de maladie.

Grâce à l'intervention d'un renard, qui intercède en faveur d'Enki, Ninhursag est prise de remords. Elle revient donc vers Enki, qui est au plus mal. Pour guérir les huit parties de son corps qui sont malades, la déesse crée huit divinités bienfaitrices.

Il est intéressant de noter que la déesse créée pour guérir la côte d'Enki se nomme Ninti, littéralement "la dame (nin) de la côte (ti)". Or, le mot sumérien ti signifie également "faire vivre". Ce jeu de mot sumérien, qui exprime soit la "dame de la côte" soit la "dame qui fait vivre", est semble-t-il à l'origine du récit de la création d'Eve, la mère de tous les vivants, qui est tirée d'une côte du premier homme Adam.


Si l'on compare le mythe du paradis sumérien avec celui de la Bible, on retrouve une fois encore plusieurs similitudes:

- Il ne pleut pas dans le jardin, mais une vapeur s'élève du sol pour l'arroser. - Genèse 2:5-6
- Dieu y fait pousser des plantes qui donnent des fruits. - Genèse 2:9
- Le jardin est situé entre le Tigre et l'Euphrate. - Genèse 2:11-14
- Manger du fruit de certains arbres entraîne la mort. - Genèse 2:16-17
- La femme vient de la côte de l'homme. - Genèse 2:21-22
- C'est la curiosité qui pousse les habitants du paradis à en manger les fruits. - Genèse 3:5-6
- Dans le paradis, la femme enfantait sans douleur. - Genèse 3:16

Le déluge

Un récit sumérien, très fractionnaire, raconte comment le roi pieux Ziusudra parvient à survivre au déluge provoqué par les dieux.

Ce récit commence par une brève introduction sur la création du monde et de cinq villes sumériennes en particulier. Ensuite, il dépeint la tristesse des dieux Nintu (terre), Inanna (océan primordial) et Enki (eau), qui s'apprêtent à détruire le genre humain sous les ordres des dieux An (ciel) et Enlil (air). Ziusudra, qui est à l'écoute des dieux, est prévenu que le déluge va arriver. Il est enjoint de construire un gigantesque navire pour sauver sa vie et celles des animaux.

Chaque jour, il s'attèle sans relâche à cette tâche fastidieuse. Puis le déluge vient, terriblement violent, et dure sept jours et sept nuits. Lorsqu'il est fini, le dieu du soleil Utu fait apparaître à nouveau sa lumière. Ziusudra ouvre alors une fenêtre de son bateau, et se prosterne devant lui. Il immole alors un boeuf et tue un mouton, en guise d'adoration pour Utu.

A la fin du récit, les dieux du ciel (An) et de l'air (Enlil) veulent récompenser Ziusudra pour sa piété. Il lui donnent donc la vie éternelle, et le transportent dans le Dilmun (le paradis sumérien).


Si l'on compare le mythe du déluge sumérien avec celui de la Bible, on retrouve une fois encore plusieurs similitudes:

- Dieu est attristé. - Genèse 6:6
- Il prévoit de détruire totalement le genre humain. - Genèse 6:7
- Un homme seulement trouve grâce à ses yeux. - Genèse 6:8
- Dieu explique à cet homme comment construire un bateau pour sauver sa vie. - Genèse 6:15, 16
- Cet homme est humble, et obéit donc sans discuter. - Genèse 6:22
- On retrouve l'évocation de "sept jours" dans les deux récits. - Genèse 7:4, 10
- Le nombre "de jours et de nuits" durant lesquels il pleut est précisé (même s'il diffère). - Genèse 7:4
- Il y a une fenêtre dans l'arche. - Genèse 8:4
- A peine sortit de l'arche, le survivant offre des holocaustes à Dieu. Genèse 8:20
- La vie du survivant est exceptionnellement longue. - Genèse 9:28

Les récits de lamentations

Plusieurs récits sumériens font état de lamentations sur la destruction d'une ville, comme le font les livres de Jérémie et des Lamentations dans la Bible. Ces récits sumériens concernent la destruction de centres de cultes importants, comme Ur, Sumer, Nippur, Eridu et Uruk, et datent de -2000 environ.

Leurs thèmes sont similaires. Comme dans la Bible, ils enchainent les étapes suivantes: destruction, détermination des responsabilités, abandon, restoration, et enfin, retour. Leurs récits expliquent la destruction des villes sumériennes par l'abandon des dieux, tout comme le récit biblique explique la destruction de Jérusalem par l'abandon de la ville par YHWH.

La résurrection

"La descente d'Innana aux Enfers" est un récit sumérien très intéressant, puisque c'est le premier récit que l'on connaisse qui présente le thème de la résurrection.

Innana, comme son nom sumérien l'indique, est "la reine du ciel". Au début du récit, elle règne sur le "Grand En-haut" (le monde des vivants), mais cela ne lui suffit pas. Elle veut aussi dominer les Enfers, le "Grand En-Bas". Toutefois, c'est sa sœur aînée Ereshkigal, qui est aussi sa pire ennemie, qui règne sur les Enfers.

Innana veut s'y rendre pour le soumettre à sa domination, mais elle a peur de ne pas en revenir vivante. Elle dit donc à Ninshubur, son fidèle vizir, de l'attendre après son départ pour les Enfers. Si au bout de trois jours il ne la voit pas revenir, Ninshubur devra alors avertir certains dieux pour qu'ils viennent la délivrer.

Après avoir fait ces recommandations à son vizir, et après avoir revêtu ses vêtements de reine et s'être parée de joyaux, Innana se rend aux Enfers. Elle invente un prétexte pour entrer, et elle est conduite, à travers les sept portes des Enfers, auprès d'Ereshkigal. A chaque porte, on lui retire un vêtement ou un bijou, de sorte qu'en arrivant devant sa soeur, elle se retrouve complètement nue. Il est intéressant de noter qu'à la première porte, on lui enlève sa "couronne de la Plaine", et à la dernière porte, son vêtement de seigneurie.

Innana se retrouve donc face à Ereshkigal, qui est entourée des sept terribles Juges des Enfers. Tous jettent sur Innana des "regards de mort", et elle passe aussitôt de vie à trépas. On suspend alors son cadavre à un clou.

Au bout de trois jours et trois nuits, n'avant pas vu revenir la déesse, Ninshubur va voir les dieux qu'Innana lui avait conseillé. Après plusieurs demandes infructueuses, Ninshubur va voir Enki, qui accepte aussitôt de l'aider. Il crée deux créatures qui se rendent aussitôt aux Enfers pour ressuciter Innana.

Innana est revenue à la vie, mais elle se trouve toujours aux Enfers, le "Pays sans retour". Pour pouvoir revenir dans le monde des vivants, la loi exige qu'une autre divinité prenne sa place. Innana sort donc des Enfers, escortée de près par des  démons, avec pour mission de trouver une divinité qui l'y remplacera.

Après être passée devant deux dieux qui sauvent leurs peaux en se prosternant d'effroi devant elle, Innana arrive devant son mari, Dumuzi. Ce dernier ne se prosterne pas devant sa femme. Il revêt ses habits de cérémonie et l'attend fièrement assis sur son trône. Innana est tellement en colère de ce manque d'humilité qu'elle désigne Dumuzi comme son remplaçant aux Enfers. Dumuzi a beau supplier les dieux, Innana le regarde avec l' "oeil de la mort", et il est aussitôt emmené par les démons.


Si l'on compare ce récit avec l'histoire de la résurrection de Jésus, on retrouve plusieurs similitudes assez frappantes :

- Jésus est aussi ressuscité après trois jours. - Mathieu 27:63, Marc 8:31
- Innana est "la reine du ciel". Jésus est décrit comme "le roi des juifs", mais son royaume n'est pas de ce monde. - Jean 18:33-37, Jean 19:21
- Comme Innana, Jésus porte une couronne et une tunique royale. - Jean 19:2
- Les vêtements de Jésus sont aussi pris par d'autres avant sa mort. - Jean 19:23
- Comme Innana, Jésus est suspendu à un (ou des) clou(s). - Jean 20:25
- Innana est ressuscité par deux créatures divines. La résurrection de Jésus est annoncée par deux créatures divines. - Luc 24:4
- La logique de rançon se retrouve dans les deux histoires. - Mathieu 20:28

Bas relief représentant la déesse Ishtar.

Innana

Le rite du "Mariage sacré"

Il y a aussi de nombreuses similitudes entre les textes sumériens relatifs au rite du "Mariage sacré" et le livre biblique du "cantique des cantiques".

Liens

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ishtar
http://fr.wikipedia.org/wiki/Descente_d%27Inanna_aux_Enfers

A lire

- L'histoire commence à Sumer, de Samuel Noah Kramer

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