Les textes de la Bible contiennent des contraditions. L'une des plus flagrantes se trouve dans la comparaison d'Esdras chapitre 2 et de Néhémie chapitre 7, qui concernent tous deux le retour d'exil après la prise de Babylone par Cyrus. Cet évènement se serait déroulé d’après la Bible peu après 539 av. n. è. Ces textes ont le même but : celui de recenser le nombre de juifs libérés de la captivité babylonienne.

Étant donné que ces deux textes parlent du même évènement, on peut selon toute logique s'attendre à ce que les figures qu'ils présentent correspondent. Cependant, force est de constater qu’il existe bon nombre de différences entre elles. Ces différences sont présentées ici.

Analyse des différences

On constate tout d'abord que les nombres présentés diffèrent sur 21 tribus, et que dans plusieurs cas, les différences sont des chiffres ronds (comme 10, 100, 300, 1100 ou 10000). Ensuite, on constate que certains noms changent d'une liste à l'autre (par ex. Yora devient Hariph ; Guibbar devient Gabaon ; etc) et que le niveau de détail est différent (Bethléhem et Netopha ne sont pas regroupés pareillement dans les deux textes, et le trésor est mieux détaillé chez Néhémie que chez Esdras). Enfin, on se rend compte que le total de ceux qui sont revenus d'exil est assez précis (42'360), qu'il est identique sur les deux listes, et surtout qu'il ne représente le total d’aucun détail des listes fournies.

Certaines explications ont été avancées pour tenter de sauvegarder l'idée d'un texte biblique parfait et inspiré de Dieu. Il est intéressant de les étudier, pour voir si ces explications sont valables ou non.

Tentatives d'explications des différences

L'une des idées les plus courantes est qu'il y aurait eu en fait deux recensements, et non un seul. Le premier aurait été celui de Néhémie, qui aurait eu lieu au début du voyage de retour, aux alentours de Babylone. Le second aurait été celui relaté par Esdras, et aurait eu lieu après plusieurs semaines (ou mois) de voyage, aux alentours de Jérusalem.

Cette idée paraît séduisante, mais elle ne résiste pas à l'examen. En effet, il est impensable que la tribu d'Immer, par exemple, passe de 1052 à 11052 personnes en quelques mois (si toutefois le retour a pris aussi lontemps) ! La différence, qui est exactement de 10'000, fait plutôt penser à une erreur ou à une correction de scribe. De plus, le total des deux textes est exactement le même: 42'360. Comment imaginer que le détail change, mais que le total reste identique sur deux recensements ?

Une autre explication avancée est qu'il n'y a eu qu'un seul recensement, mais que les deux listes ne parlent pas exactement de la même chose. Par exemple, une liste compterait uniquement les hommes, tandis que l'autre compterait aussi les femmes et les enfants.

Encore une fois, cette explication ne tient pas, car plusieurs figures sont exactement identiques d'un texte à l'autre. Si c’était la bonne explication, cela impliquerait que certaines tribus (comme Elam par exemple) seraient composées uniquement d’hommes, ce qui est bien sûr impossible.

Une autre tentative d'explication, défendue par Will Kinney, est que la liste de Néhémie serait issue d'une source non fiable, tandis que celle d'Esdras serait correcte. Il explique aussi que le total, qui est incohérent avec le détail dans Esdras, résulte du fait qu'Esdras n'aurait pas compté les enfants pour chaque tribut, mais les aurait inclus uniquement dans le total.

Cette hypothèse repose sur l’idée qu’au moins une des listes est correcte, ce qui a l’avantage d’expliquer les incohérences entre les deux listes. Seulement, pourquoi privilégier la liste d’Esdras sur celle de Néhémie, et pas le contraire ? De plus, le fait que le total soit identique dans les deux listes, mais incohérent avec le détail, laisse à penser que le total vient d’une source commune, mais que le détail, même s’il vient aussi d’une source commune, fut sujet à des révisions ou à des corrections.

Voici l'explication de la Watchtower, tirée du "Réveillez-vous" du 8 juillet 1972:

"De nombreux biblistes expliquent ces différences par des erreurs de copie. Bien que cette raison ne doive pas être totalement écartée, il y a d’autres explications possibles.

Il se peut qu’Esdras et Néhémie aient établi leurs listes à partir de sources différentes. Par exemple, Esdras a pu utiliser un document indiquant le nombre de ceux qui s’étaient fait inscrire pour retourner dans leur pays, tandis que Néhémie a peut-être puisé ses renseignements dans un autre document indiquant ceux qui sont effectivement revenus. De plus, certains prêtres ont été incapables d’établir leur généalogie (Esdras 2:61-63 ; Néh. 7:63-65) ; d’autres Israélites ont très bien pu avoir le même problème. Ces personnes ont pu ne pas être inscrites avec leur famille, mais être incluses dans le total. Ainsi, le nombre total de 42 360 personnes peut représenter l’ensemble des membres de chaque famille, plus un grand nombre d’autres Juifs dans l’impossibilité de déterminer leurs origines. Toutefois, par la suite, certains d’entre eux ont peut-être pu établir leur généalogie exacte. Cela expliquerait pourquoi, malgré des variantes dans les différents chiffres, les deux récits indiquent néanmoins le même total."

Examinons chaque hypothèse point par point.

La première suggère que les listes reflètent différentes figures parce qu’elles établissent la liste des rapatriés à différents moments : Esdras établit la liste de ceux qui s’inscrivent pour rentrer, et Néhémie celle de ceux qui reviennent effectivement à Jérusalem. Cette hypothèse est à écarter pour la simple et bonne raison que les différences entre les listes sont des souvent chiffres ronds. On imagine mal en effet que 11’052 personne de la tribu d’Immer s’inscrivent pour rentrer, et que sur ce nombre, exactement 10'000 se désistent ensuite.

Selon la Watchtower, la différence entre le détail et le total serait due à un problème de généalogies. Pourquoi pas, mais le fait que le total soit identique entre les deux indique de toute façon que l’on parle bien d’une liste établie au même moment, et donc cela infirme l’hypothèse précédente. Ainsi, les tentatives pour sauver le principe d'innérance biblique échouent-elles systématiquement.

L'explication la plus simple

Finalement, l'explication la plus simple est que les chiffres donnés par les livres d'Esdras et de Néhémie ne correspondent à aucune réalité. Ils ont été produits dans un autre but que celui de donner un compte rendu historique du nombre de rapatriés d'exil. De plus, le nombre total de ceux qui reviennent : 42'360, est hautement symbolique, et ne correspond donc à rien de tangible. Il est composé de deux nombres souvent utilisés dans la Bible : 42 et 360.

42, c'est 3 x 14. Ce nombre représente l'accomplissement d'une chose (en l'occurence la fin de l'exil) et est utilisé dans ce but dans d'autres passages bibliques comme par exemple Matthieu 1:1-16, qui montre la généalogie de Jésus. On retrouve aussi ce nombre dans les 42 mois de 30 jours, faisant 1260 jours au total, de Daniel 7:25 et d'Apocalypse 11:3. Ensuite, le nombre 360 fait bien évidemment penser au nombre de jours total d'une année juive, qui compte 12 mois de 30 jours.

Les nombres qui figurent dans le détail sont peut-être dans le même cas, mais cela est moins flagrant. Les différences entre les deux listes peuvent en tout cas difficilement toutes provenir d'erreurs de scribes, car elles semblent plutôt intentionnelles. Peut-être les scribes qui ont repris les listes au fil du temps ont-ils adaptés les valeurs pour augmenter le nombre de leurs tribu tout en diminuant ceux des autres, ou bien auraient-ils adaptés les chiffres selon ce qu'il leur semblait le plus vraissemblabre ? Quelle que soit la réponse à cette question, force est de constater que la Bible se contredit, et que l'erreur de copie n'est pas dans ce cas une solution vraiment satisfaisante.

La Bible est-elle infaillible?

Comme nous l’avons vu avec ce cas, chaque tentative de sauver l'inhérence biblique échoue lamentablement. Il faut donc se rendre à l'évidence, la Bible n'est pas infaillible, car elle contient des contradictions.

Pour enfoncer encore le clou, on peut mulitplier les exemples de ce genre de choses. Il suffit par exemple de comparer le texte massorétique (utilisé généralement dans nos Bibles modernes) avec celui de la Septante (qui était la version généralement utilisée dans le monde gréco-romain) pour constater que les chiffres diffèrent beaucoup d'une source à l'autre (voir ici). Ces différences prouvent, si besoin était, que la Bible est un texte antique soumis aux erreurs et aux révisions, comme tout autre.